Chapitre 2
Après des décennies de silence dans la presse œnologique, le Dézaley se retrouve sur la liste dressée par Robert Parker des meilleurs vins de l’année 2012.
Laissez libre cours à votre imagination. Songez à un monde idéal de viticulture aristocratique. Imaginez un imposant château aux dimensions légèrement plus réduites que celles de Versailles (car il aurait été peu avisé de vouloir ravir la vedette au monarque à l’époque où la France était encore gouvernée par des rois), un vignoble facile à entretenir qui s’étend à perte de vue sur un terrain parfaitement plat, des caves étincelantes où s’aff aire une armada de collaborateurs zélés, une structure de distribution aussi performante que le réseau commercial d’IBM et dont les fines ramifications parviennent jusqu’aux lieux les plus éloignés, la visite annuelle de Robert Parker qui rend hommage aux crus du chai par des notes de dégustation mirobolantes qui embrassent déjà de nombreux millésimes. Sans oublier, naturellement, un chapitre entièrement consacré au domaine dans la bible œnologique du célèbre critique américain. Pourrait-il exister félicité plus absolue ?
Puis, représentez-vous la viticulture telle qu’elle est pratiquée en Lavaux, sur les bords du lac Léman et plus particulièrement dans le vignoble grand cru du Dézaley. Les vignes de Lavaux partent à l’assaut des collines depuis la fin de l’agglomération lausannoise jusqu’aux abords du château de Chillon, près de Montreux, alors que le vignoble du Dézaley se situe à mi-hauteur, autour du petit village d’Épesses. N’y cherchez aucun château, car vous ne découvrirez que de simples demeures rurales. Bannissez toute idée de paisible balade automnale dans les vignes pour admirer les coloris des feuilles car, en de nombreux endroits, les pentes vertigineuses sont entrecoupées de terrasses soutenues par quelque 10 000 murets dont la longueur atteint 400 kilomètres pour une hauteur totale qui ne dépasse pas 300 mètres. Souvent, les terrasses contiennent si peu de terre qu’elles n’autorisent la plantation que d’une seule rangée de vignes. Dans de telles conditions, il n’est d’autre choix que d’eff ectuer l’ensemble des travaux à la main, en passant de l’un de ces nids d’aigle à l’autre, au prix d’un labeur pénible et à la rentabilité incertaine, compte tenu du coût extrêmement élevé de la main-d’œuvre en Suisse. Quant à la distribution, aucune bouteille ne quitte
jamais la Suisse. Et ce chapitre dans le livre de Robert Parker ? Il n’a pas encore été écrit. Ainsi, si la reconnaissance accordée à un vin par les critiques œnologiques ou les revues gastronomiques dicte vos choix, le Dézaley, où la vigne prospère depuis un millénaire, vous restera toujours inconnu. Quelle est donc la récompense qui vient couronner autant de diffi cultés – la déclivité, les murets, un périlleux travail manuel ? Aucune, le silence des journalistes et des critiques spécialisés est assourdissant.
Jusqu’à une date très récente.
En effet, au mois de janvier, le guide Parker 2013 a fait entrer le Dézaley Haut de Pierre 2010 du domaine Blaise Duboux sur la liste des meilleurs vins de 2012. Robert Parker, le faiseur de rois qui déclenche de véritables frénésies d’achat pour les scores les plus élevés (et à l’inverse scelle la ruine des crus aux notations les plus basses) a ainsi condamné Blaise Duboux à ne connaître aucun instant de répit avant d’avoir déniché un importateur américain pour ses vins.
Pendant trois décennies, Robert Parker a régi à lui seul le marché mondial des vins de qualité. Même si le chasselas du Dézaley a échappé à son attention pendant presque tout ce laps de temps, les Suisses apprécient de longue date ces vins blancs d’une tenue exceptionnelle. Car c’est ici que le chasselas connaît un parfait accord entre le sol et le climat.
Dans le Dézaley comme dans le reste de Lavaux, les origines de la viticulture remontent au XIIe siècle. Des moines cisterciens (qui s’étaient installés dans la région vers le XIe siècle en provenance des abbayes de Cîteaux et de Vougeot en Bourgogne) commencèrent à terrasser les terrains qui dominent le lac Léman. La culture de la vigne fut soumise à la juridiction des évêques de Lausanne par l’entremise de deux abbayes cisterciennes, l’abbaye d’Hauterive et l’abbaye de Haut-Crêt. Moines et manants construisirent des terrasses et des chemins à travers la région. Cependant, toute administration requiert des réglementations et cet axiome se vérifi ait déjà au XIIe siècle. Un document de l’époque, consacré à l’art et à la manière d’édifi er les terrasses, stipule qu’elles arboreront une largeur de 10 à 15 mètres (même si nombre d’entre elles sont beaucoup plus étroites) et seront soutenues par des murets en pierre de 5 à 6 mètres. En outre, les vignerons devaient assurer l’entretien des murs et veiller au bon écoulement de l’eau. Au cours des huit cents années suivantes, la viticulture en Lavaux s ’ est progressivement subdivisée dans un ensemble de petites parcelles, dont l’exploitation était tout à la fois onéreuse
De nombreux domaines de Lavaux sont historiquement rattachés à des collectivités publiques, souvent hors du périmètre de la région viticole, comme le Domaine de Montagny (à droite), appartenant à la Commune de Payerne.
Le Dézaley a été défriché, puis planté en vignes, par des moines venus de Bourgogne au début du XIIe siècle. Plus tard, après la Réforme (1536), la Ville de Lausanne, chef-lieu du canton de Vaud, héritera de deux domaines prestigieux, le Clos des Moines (au milieu de la photo), relevant de l’ancien couvent de Haut-Crêt, et le Clos des Abbayes (à droite), de l’ancien couvent de Montheron. Leurs vins sont proposés en mise aux enchères publiques depuis 1803, au mois de décembre.
et délicate. Un important changement survint après 1803 avec l’élévation de la ville de Lausanne au rang de capitale du canton de Vaud. Cette centralisation a conduit non seulement à une amélioration des terrasses et des routes qui favorisèrent la liaison entre les villages viticoles, mais aussi à la construction d’un réseau ferroviaire. Cette histoire unique ainsi que la beauté du paysage ont incité l’UNESCO à inscrire Lavaux sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.
À l’évidence, nul ne peut affirmer de manière irréfutable que le choix de ce terrain par les moines pour y cultiver la vigne était l’eff et d’un heureux coup de chance ou le résultat d’une remarquable perspicacité. Toutefois, quelles qu’aient été leurs motivations, leur travail de terrassement sur les pentes abruptes qui s’élançaient à l’assaut des collines a donné le jour à une recette incomparable pour produire des vins de qualité. Sur les pentes escarpées, le sol lui-même est unique, car il est issu d’une activité glaciaire qui a insufflé de l’oxygène au cœur des roches. Avec une exposition tournée vers le sud-ouest, le Dézaley n’est pas seulement baigné par les rayons du soleil au cours de l’après- midi, mais il bénéficie également de la chaleur réfléchie par le vaste plan d’eau qui le borde et des brises lacustres. Comme le climat de la région n’est pas particulièrement chaud, n’oublions pas qu’elle constitue l’une des portes d’accès aux Alpes, l’orientation et la réflexion permettent de laisser mûrir longtemps les grappes avant la vendange et favorisent le développement d’un nombre de phénols plus élevé que pour tout autre chasselas.
Il n’importe guère que les moines cisterciens aient entièrement compris leur remarquable association de sol, pente, orientation et réfl exion. Les vignerons suisses se sont rendu compte au fil du temps qu’ils possédaient un authentique trésor. Il est probable que la reconnaissance la plus remarquable des vertus du Dézaley s’est produite au moment où, après des siècles de viticulture, un système de classification des vignobles, semblable à celui en usage en France, a vu le jour à la fin des années 1980. Les 53,8 hectares du Dézaley ont été l’une des deux premières appellations à recevoir le titre convoité de « Grand Cru », qui correspond à la plus haute distinction.
Nous sommes heureux de présenter à nos lecteurs l’article de Pierre Th omas, célèbre expert suisse en œnologie, qui dresse le portrait de quatre des meilleurs vignerons du Dézaley : Blaise Duboux, Louis-Philippe Bovard, Luc Massy et Les Frères Dubois et Fils.
Avec moins de 54 hectares et une soixantaine d ’ étiquettes, le Dézaley est un Grand Cru, redevenu appellation d’origine contrôlée (AOC) du canton de Vaud au printemps 2013, après trois ans dans le rang de l ’ AOC Lavaux (809 hectares). Si un seul cépage, le chasselas, est dominant (à 90%), le sous-sol, l ’ exposition, en haut ou en bas du coteau, la haute densité de plantation, etc. sont des paramètres que chaque vigneron maîtrise à sa façon. Comme il choisit ses méthodes de vinification dans le secret de sa cave. Pour illustrer ce cœur de Lavaux, Pierre Thomas, pour Les Lettres du Brassus, a choisi de brosser le portrait de quatre domaines emblématiques du Dézaley.
En Suisse, et en Allemagne comme au Japon, le Dézaley Chemin de Fer est un des (rares) vins blancs suisses connus. Et depuis longtemps. Car si les Massy ne sont établis à Épesses que depuis 1903 – une paille en regard de la lignée d’autres vignerons… –, ils ont été les premiers à mettre en bouteilles leur vin, dès les années 1920. Et non à l ’ écouler en vrac, dans des tonneaux, chez les cafetiers et les restaurateurs des environs…
Le premier des « Massy vignerons », après avoir voyagé en Afrique et contracté la malaria, avait travaillé à la vallée de Joux, dans une fabrique de pierres d’horlogerie fondée par un de ses ancêtres – voilà qui ne manque pas de sel pour Les Lettres du Brassus. Puis, en quête d’un meilleur avenir économique, il s’en vint tenter sa chance sur les bords du Léman. Après son mariage avec une fille d’Épesses, explique Luc Massy, « mon grand-père a tout de suite pensé à la marque : sa force a été d’imposer le Chemin de Fer ». Soit une parcelle acquise sur un lieu-dit baptisé ainsi parce que la ligne du Paris-Simplon venait d’être achevée.
Aujourd’hui, les quelque 35 000 bouteilles de Chemin de Fer sont toujours issues de cette combe de 3,5 hectares, non loin du Vinorama, la vitrine et le bar à vins des crus de Lavaux, sur la route du lac, menant de Lausanne à Vevey, en retrait de la ligne ferroviaire. Quand on demande au président en charge de la Baronnie du Dézaley ce qui, depuis son grand-père, il y a 110 ans, s’est modifié en cave, il répond du tac au tac : « On n’ a rien changé ! Entre la fermentation alcoolique et la malolactique, notre vin reste sur la même lie ; on ne bouge pas le vin. Ainsi, le vin est avec sa mère nourricière d’octobre à mars. » Ensuite, le vin est préfiltré en mars, puis mis en bouteilles à trois moments de l’année, à fin mai, en juillet et en septembre.
Autre caractéristique, un tiers, seulement, séjourne en grand fût. À la cave, naturellement fraîche, creusée dans le rocher, à l’entrée du village d’Épesses, Luc Massy est fier de montrer « son » tonneau : « Je me le suis offert en 2002, pour mes 50 ans. Un cadeau à 45 000 francs suisses ! » Avec une ironie à peine déguisée, le maître du Chemin de Fer décrète : « Le Dézaley, c ’ est la locomotive des vins vaudois ! Le consommateur ne comprend pas toujours qu’il a plus de goût et qu’il est plus cher que les autres chasselas. Pour moi, le Dézaley a toujours été un vin à part, grâce à la conjugaison du terroir et du climat. Et la Baronnie du Dézaley a été créée en 1994 pour taper sur ce clou ! »
Vendu 24 francs au domaine, ce grand vin blanc, dont on découvre aujourd’hui qu’il est apte non simplement à vieillir, mais à évoluer sur le modèle des « vieux champagnes », paraît, pour un Grand Cru, une formidable « affaire ». « C ’ est un manque d’audace, dû au défaut d’image du Dézaley », confesse Luc Massy, qui a, disponibles en cave, tous les millésimes depuis 2001. La quatrième génération est en place : après des études vitivinicoles et des stages à l’étranger (en Argentine, à Colomé), Benjamin, 29 ans, est revenu à la maison il y a quelques mois.
www.massy-vins.ch
Ses 75 ans, en 2010, Louis-Philippe Bovard les a fêtés en inaugurant une cave-bijou dans le vieux village de Cully, au bord du lac Léman. Elle est équipée pour élaborer de nombreux vins en petits volumes. Car, s’il est un des défenseurs du chasselas, Louis-Philippe Bovard, esprit bouillon - nant derrière ses lunettes sévères et sous sa casquette de marin, est d’abord un infatigable précurseur.
En « gentleman farmer », dans ce domaine remontant à 1684, il a su s ’ entourer de professionnels, à la vigne comme en cave. Prometteur, l’Alsacien Philippe Meyer (de la famille Josmeyer, voir Les Lettres du Brassus No 12), est devenu, début 2013, « œnologue cantonal », pour conseiller des vignerons de tout le pays de Vaud. Il a été remplacé par Caspar Eugster, à l’expérience internationale (domaines Hess).
De tous les vins signés Bovard, le Dézaley « La Médinette » (35 000 bouteilles par an) reste le porte-drapeau. Cette marque intrigue même les francophones : son nom est tiré d’un temple de Louxor, en Égypte, et « colle » à la silhouette androgyne d’un Bacchus, presque une jeune fille (« midinette ») de la Fête des vignerons de Vevey, en 1905. Depuis, cette étiquette, que le grand-père de Louis-Philippe avait soulignée d’une phrase en lettres d’or, « le plus fin des vins suisses », n’a pas changé. Tout au plus, dans les années 1990, sont apparues des vignettes colorées, de bleu, de rouge, de vert ou de jaune, à la Andy Warhol, pour distinguer les millésimes. Car Louis-Philippe Bovard, s’il est attaché à la notion de terroir, l’est plus encore aux caractéristiques propres à chaque année. Demandez-lui comment la vigne s’est comportée, au hasard en 2001, et il sort son carnet : « Année tardive, chaud l’été, pluie avant les vendanges, octobre ensoleillé et chaud. » Si le Domaine Bovard élabore un chasselas sans fermentation malolactique et même un chasselas élevé en barriques de chêne, « La Médinette » est fidèle à une vinification traditionnelle, avec élevage sur « fines lies », dans de grands fûts.
On trouve Louis-Philippe Bovard à l’origine de la hiérarchisation des vins vaudois, après l’étude des terroirs, sur le modèle des grands crus d’Alsace. Au-dessus de Rivaz, il a ouvert un « Conservatoire mondial du chasselas », où sont plantés 19 types de ce cépage, dont 5 clones, à raison de 400 pieds. Il est aussi un des fondateurs de la Baronnie du Dézaley, qui entend valoriser ce Grand Cru dans le temps. Formée de dégustateurs reconnus, une commission qualifie les millésimes avec du recul (dernier millésime jugé : 2004) et leur attribue des étoiles – corrigées tous les deux ans, en fonction de l’évolution. « Au vieillissement, le Dézaley se comporte comme la marsanne de Tain-l’Hermitage ; ça n’est plus du tout un chasselas comme on peut l’apprécier jeune. Les éléments gustatifs se modifient et se fondent dans un nouvel équilibre », juge le patriarche. Le domaine propose à la vente treize millésimes depuis 1999 – et il lui reste de 200 à 2000 bouteilles de chaque année.
www.domainebovard.com
www.baronnie.ch
Les « Frères Dubois » sont une véritable « pyramide » familiale : d’abord, le grandpère, Marcel, puis Christian et ses deux fils, Frédéric et Grégoire. Ces derniers sont aussi « tonneliers » : les Vaudois nomment ainsi les « œnologues conseils » qui effectuent des « travaux de cave » pour d ’autres domaines que le leur. En l ’ occurrence, les Dubois élaborent aussi les vins des domaines de Lavaux appartenant à la Ville de Lausanne, dont les deux clos réputés du Dézaley, le Clos des Moines et le Clos des Abbayes. Ces deux noms rappellent la filiation historique avec les moines cisterciens.
L ’ œnologie moderne a aussi fait des ravages à Lavaux: dans les années 1980, plusieurs caves ont renoncé aux grands fûts de chêne. Et les ont remplacés par des cuves en inox, plus faciles à nettoyer, pour éviter d’éventuels « faux goûts » à un cépage, le chasselas, le plus délicat qui soit. Pour leur Dézaley- Marsens de la Tour, les Dubois ont remis au goût du jour l’élevage sur fines lies en « foudre » (grand fût). Dans la cave, située sous la maison de maître appelée Le Petit Versailles, – aujourd’hui agrémentée d’une belle œnothèque ! –, à l’entrée du village de Cully, ce tonneau figure comme Vase No 4, le « vase » étant ici synonyme de tonneau. Jusqu’en 2008, le fût contenait 3700 litres, l’équivalent de 5 285 fl acons de « sept décis » (70 cl), soit un « demi-pot vaudois », que la législation suisse a permis de conserver, malgré l’uniformisation des mesures européennes (à 75 cl). Tombant en douves, ce Vase No 4 de la première génération a cédé sa place à un « nouveau » de 6300 litres, soit l ’ équivalent de 9000 bouteilles. Ce vin n’est pas mis sur le marché avant deux ans d’âge.
Membres de la Baronnie du Dézaley, les Frères Dubois proposent de vieux millésimes de Dézaley depuis 1971, pour un prix allant de 138 à 28 francs suisses la bouteille, du plus coté au plus jeune. Le chasselas du Vase No 4 est récolté autour d’un symbole de Lavaux, la Tour de Marsens, qui dresse sa couronne crénelée dans le ciel. Seules les meilleures grappes, sur une surface cultivée de 2,5 hectares, sont choisies pour cette « réserve spéciale ». Les vendanges ont lieu le plus tard possible en automne : une seule fois, entre 2002 et 2012, elles ont débuté avant le 1er octobre, en 2003, année de la canicule.
À propos de la « deuxième fermentation » (malolactique, ou « malo » en abrégé), recherchée sur le chasselas, Christian Dubois note : « Sans la malo, on n ’ aura que l ’ expression du cépage ; avec la malo, celle du terroir. » Le domaine cherche volontiers la reconnaissance des concours. Et ça lui réussit ! Le 2009 a été consacré 2e meilleur chasselas vaudois, coup de cœur du Guide Hachette 2013, médaille d ’ or au concours Expovina, à Zurich, et au Mondial du Chasselas, à Aigle, organisé pour la première fois en 2012, pour mettre en valeur les vins de ce cépage, dont le canton de Vaud, avec 2320 hectares (61% du vignoble) est le « leader » planétaire. Et lors de la deuxième édition, le Dézaley-Marsens de la Tour 1984 a obtenu le « meilleur classement toutes catégories » du Mondial du Chasselas (93,8 points sur 100).
www.lesfreresdubois.ch
www.mondial-du-chasselas.com
À 48 ans, Blaise Duboux est fier d’annoncer qu’il représente la 17e génération de vignerons de sa famille établie à Épesses. L’ ancêtre qui a donné son nom à la famille était un notable de la cathédrale de Lausanne, Leopardo de Bosco, venu de Turin en 1242, pour gérer les vignes de Saint-Saphorin.
Si les trois autres domaines présentés ici sont plus vastes, celui-ci ne représente que 5 hectares. « C ’ est la limite de ce qu ’ on peut faire seul. Je n’ai qu’un employé à plein temps et des intérimaires aux effeuilles et aux vendanges. » Ingénieur-œnologue diplômé de Changins, seule école d ’ œnologie de Suisse, entre Lausanne et Genève, il est propriétaire dans les deux Grands Crus, de Calamin (un demi-hectare) et du Dézaley (un hectare et demi).
Au domaine familial, ce fils unique – père de trois filles adolescentes – a repris la vinification en 1988 et l ’ entier de l ’ exploitation en 2011. Cet ancien collaborateur de l ’ organisme de conseils viticoles Prométerre est incollable sur les qualités intrinsèques du Dézaley. « Le mot terroir est encore ce qui le définit le mieux Avec l ’ interaction d ’ un sol, de la roche-mère, du régime des eaux, de la pente et du climat. Et ce qu ’ on appelle les « trois soleils », soit l ’ astre lui-même et la double réverbération du lac et des murs des terrasses, est une véritable pile atomique ! »
Blaise Duboux élabore deux Dézaleys. Son Haut de Pierre représente une sélection parcellaire d ’ un demi-hectare, de vieilles vignes, « le cep le plus âgé a 47 ans et le plus jeune, 26 ans ». Bon an, mal an, la parcelle donne 3000 bouteilles. L ’ autre Dézaley, tiré à 12 000 bouteilles, s ’ appelle Corniche, du nom de la route panoramique, qui surplombe le Dézaley, du village d ’ Épesses à Chexbres. « Sa réputation, le Dézaley la doit aux moines cisterciens. Ce sont eux qui ont choisi de défricher le terrain le plus en pente ! » Et son Haut de Pierre est issu, précisément, de vignes plantées là où le terrain est le plus raide. Là où la moraine a glissé et où le sol est « rubéfié ».
Puriste, le vigneron dit travailler « dans le sens d ’ une viticulture organique et renouvelable ». Au fil du temps, Blaise Duboux a affiné sa vinification. Il s ’ efforce de se passer de levures industrielles, au pire des cas, d ’ utiliser « une levure générique » garantissant des « vins secs ». Ses Dézaleys, élevés sur fines lies en cuves, ne connaissent pas le fût de chêne, encore moins la barrique...
S ’ il n ’ est pas membre de la Baronnie du Dézaley, Blaise Duboux préside l ’ association Arte Vitis, qui regroupe, depuis dix ans, treize domaines parmi les plus réputés du canton de Vaud, et, depuis le printemps 2013, de la Communauté de la vigne et des vins de Lavaux. Que le « Wine Advocate » ait distingué son Dézaley Haut de Pierre lui va droit au cœur : « Depuis le XIXe siècle, à chaque génération, une femme de notre famille s ’ en est allée aux États-Unis, à New York, à Los Angeles ou en Floride. »
www.blaiseduboux.ch
www.arte-vitis.ch
Notes de DÉGUSTATION
Lors de plusieurs sessions, Pierre Thomas (PT) et Jeffrey Kingston (JK) ont dégusté des Dézaleys, le millésime le plus récent des quatre producteurs et deux plus anciens.
MÉDINETTE 2011,
DOMAINE LOUIS BOVARD, CULLY
Jaune soutenu ; léger anisé au nez et fleurs blanches, pierre chaude ; ouvert ; attaque assez vive, du gras en milieu de bouche ; bonne longueur, de la souplesse ; finale sur les fruits jaunes, l ’ amande (PT). Écorce de citron au nez, évoluant vers la pomme et l ’ ananas, avec des notes de vanille en bouche ; structure impressionnante ; finale longue et épicée (JK).
MÉDINETTE 2008,
DOMAINE BOVARD, CULLYJaune soutenu ; nez épicé (qui rappelle le 2011), notes de gingembre confit ; attaque déliée sur des arômes de citron jaune confit ; bonne finale sapide ; encore jeune et frais (PT). Nez d ’ ananas ; grande structure et acidité abondante ; un vrai danseur en bouche (JK) !
MÉDINETTE 2001,
DOMAINE BOVARD, CULLY
Doré profond ; nez confit, un peu de menthe, d ’ herbes sèches, avec des notes discrètes de champignon et de sousbois ; en bouche, arômes d ’écorce d ’ orange, citron vert ; puissant ; déjà sur les arômes tertiaires ; complexe, retour sur l ’ acidité, du nerfet une note finale de mandarine (PT). Notes minérales et d ’ écorce de citron au nez ; un vin un peu sévère et racé, à la structure moyenne, avec des saveurs mélangeant le citron vert et des notes herbacées ; brillance et fraîcheur impressionnantes, en tenant compte du fait qu ’ il a 12 ans d ’ âge (JK) !
DÉZALEY MARSENS DE LA TOUR 2009, VASE Nº 4,
LES FRÈRES DUBOIS SA, CULLY
Jaune à reflets dorés ; nez ouvert, de belle intensité, avec des notes de fruits jaunes bien mûrs, de pêche ; attaque ample, suave ; du gras, avec une note beurrée ; un vin riche et mûr, racé et complexe ; finale persistante sur des notes miellées et minérales (PT).
DÉZALEY MARSENS DE LA TOUR 2004, VASE Nº 4,
LES FRÈRES DUBOIS SA, CULLY
Jaune doré ; arômes de fruits de la passion, de mangue mûre au nez, confirmée à l ’ attaque en bouche ; belle vivacité et magnifique volume, avec du gras et de la persistance ; note de mirabelle en fin de bouche ; un très beau vin, tiré d ’ une vendange tardive (20 octobre) (PT).
DÉZALEY MARSENS DE LA TOUR 2000, VASE Nº 4,
LES FRÈRES DUBOIS SA, CULLY
Reflets dorés ; nez de verveine citronnée, de citron jaune confit ; attaque sur des notes légèrement toastées et épicées ; beau volume en bouche ; bel équilibre, avec des notes de réglisse et une pointe d ’ amertume finale ; très longue persistance (PT).
CHEMIN DE FER 2011, LUC MASSY, ÉPESSES
Jaune soutenu ; nez beurré, lactique, puis arômes de mangue mûre ; attaque sur le caramel ; de la puissance, de l ’ originalité ; plein, large ; finale sur les fruits jaunes et l ’ amande (PT). Un peu fermé au nez ; pomme douce et chèvrefeuille parfaitement équilibré ; un vin élégant et subtil, avec une finale douce (JK).
CHEMIN DE FER 2009, LUC MASSY, ÉPESSES
Robe très dorée ; nez mûr, solaire, avec des notes d ’ allumette frottée ; attaque souple, fruits confits ; riche, ample, gras ; peu d ’ acidité ; notes évolutives de miel d ’ acacia ; finale sur la confiserie, comme le calisson d ’ Aix (pâte d ’ amande et citron) (PT). Abondance de notes minérales et de chèvrefeuille qui explosent au nez ; riche et rond, avec une touche de surmaturité ; abricot sec ; finale impressionnante ; un vin concentré et massif (JK).
CHEMIN DE FER 2000, LUC MASSY, ÉPESSES
Robe dorée soutenue ; nez de banane séchée, de noisettes grillées, de fruits secs ; attaque ample, grasse ; belle fraîcheur ; des notes empyreumatiques, de lait d ’ amande, de confiserie ; un magnifique vin, gras, plein de cohérence et d ’ une remarquable droiture (PT). Notes d ’ épices et de vanille au nez, sur des arômes de melon ; merveilleux équilibre (JK).
HAUT DE PIERRE 2011, BLAISE DUBOUX, ÉPESSES
Jaune doré ; nez minéral, impression de terre ; attaque fraîche ; du gras, de la sève (pas de bois !), de la minéralité ; fleurs blanches en bouche ; puissant, presque tannique, avec un bon maintien en bouche, et pointe saline, avec un peu de gaz carbonique (CO2 ) en finale (PT). Nez minéral, avec des notes de fleurs de citron vert ; attaque sur la vanille ; rond en bouche avec un arôme merveilleux d ’ abricot sec ; intéressant contraste entre le nez, plutôt discret et sévère, et la bouche, ouverte et luxuriante ; extraordinaire richesse et maturité ; finale sur une douceur citronnée (JK).
HAUT DE PIERRE 2010, BLAISE DUBOUX, ÉPESSES
Robe dorée ; beau nez, ample, arômes de gelée de coing, de fruits jaunes ; attaque ample ; poire fraîche ; mangue ; épices douces ; belle complexité ; léger CO2 ; finale large et longue (PT). Nez minéral et épicé ; riche et rond en bouche, avec des notes de pêche douce et de vanille ; longue finale (JK).
HAUT DE PIERRE 2003, BLAISE DUBOUX, ÉPESSES
Robe dorée ; nez ample, crémeux, de panettone, avec des notes de citron ; attaque sur le pain d ’ épices ; belle longueur, de la fraîcheur, des fruits confits et une note légèrement miellée, et des arômes de tarte aux poires (PT). Millésime de la canicule en Europe, dont le vin est le reflet ; nez de fruits exotiques (fruit de la passion), mélangé avec de la pêche de vigne et de l ’ abricot sucré ; riche, mûr et concentré (JK).